Quelques jeux anciens et d'autres plus récents présentant une carte géographique complète du monde : un recensement non exhaustif, mais que j'espère représentatif des tendances et variations pendant deux siècles et demi, depuis 1715 environ (Version PDF).
Le jeu de simulation moderne sur plateau ou encore le jeu de stratégie orné de décors ou paré d'un univers historique ou géographique, littéraire ou imaginaire plus ou moins adapté à ses mécanismes, et dont une liste des jeux récents les plus prisés figure sur BGG, est né des Loteries et du JEU DE L'OIE (Gioco dell' Oca), lequel apparaît vers 1575/80 à Florence dans l'entourage de Francesco de Medici (1541-1587), mort empoisonné et père de Marie de Médicis, probable instigatrice de l'assassinat de son mari.
Le jeu de l'Oie qu'on pourrait qualifier de jeu de course ou de parcours illustré s'apparente aux jeux abstraits et symboliques antiques comme le SENET égyptien, le JEU ROYAL D'UR babylonien, le JIROFT iranien, ou plus proche encore par sa charpente circulaire en colimaçon, le MEHEN égyptien ou Jeu du Serpent enroulé, le plus vieux jeu de plateau qui ait été conservé.
Le jeu de l'Oie, comme peut-être son précurseur historique, le NAGAPASA, le jeu indien/népalais du Karma et de la Réincarnation qui pourrait remonter au XIIIe siècle (Deepak Shimkhada, Himalayan Research Bulletin 11.1, 1982 & Artibus Asiae 44.4, 1983 ; Andrew Topsfield, Artibus Asiae 46.3, 1985 ; J-M Lhôte, Histoire, 1994, p.560-561), est à la fois un jeu figuratif et un jeu symbolique : en effet les 63 cases du jeu correspondraient chacune à une année de la vie humaine, dont la 63e (9 fois 7) marquerait l'aboutissement. Le nombre 63 figure la double ou grande année climatérique (i.e. critique) et symbolise la fin de la vie dans certaines traditions astrologiques médiévales et de la Renaissance (cf. Claude de Saumaise, De annis climactericis et Antiqua Astrologia Diatribae, 1648).
Les 63 cases du jeu de l'Oie dont certaines sont illustrées et correspondent à des situations définies, s'insèrent en colimaçon, à la verticale, et en succession anti-horaire, dans un décor variable, illustré aux quatre coins du plateau et au centre. Le jeu évoluera dans sa thématique comme dans sa structure, mais restera le modèle des jeux de plateau depuis son apparition jusqu'au début du XXe siècle, soit pendant trois à quatre siècles. La plupart des jeux présentés sur cette liste sont encore des jeux de l'Oie classiques, c'est-à-dire des jeux de parcours transposés dans des thématiques variables : autrement dit des jeux de dés avec mises et avancée d'un pion sur des cases numérotées ou sur une piste de cercles numérotés. Le pion représente le joueur traversant les embûches de la vie proposées par les règles, et le vainqueur à l'arrivée remporte non seulement les mises initiales mais aussi celles accumulées durant la partie. Le jeu de l'Oie traditionnel est un jeu d'argent qui n'est pas spécifiquement destiné aux enfants.
Le modèle du jeu de l'Oie a tenu trois siècles, et il n'est pas certain que les différents types de jeu actuels qui en sont issus (par exemple le jeu de Majorité, le jeu d'Exploration, le jeu de Territorialisation, ou encore le jeu de Gestion Développement par choix tactique d'actions diverses) soient destinés à une longévité comparable. Entre le jeu de l'Oie et le jeu moderne, c'est principalement le hasard qui a été exclu : le joueur actuel apprécie d'être responsable de ses choix (du moins en partie) et non plus entièrement tributaire des aléas du hasard.
Voiage du Monde par les Villes les plus Considerables de la Terre
ou par un JEU on apprend la situation des païs et des Villes, leur dependance & la Religion des peuples, avec une Mappemonde où les routes de ce Voyage sont marquées
Paris, Crépy, rue St. Jacques au Lion d'Argent, [1713 ou 1718]
dimensions: ca. 44 x 57 cm
Waddesdon Manor (UK), Collection Rothschild 2669.1.26 [1718] ; Giochi dell'Oca 1180m
Jeu didactique de mise sur parcours, type jeu de l'Oie, sur piste sinueuse de 78 cases numérotées : de Paris-Brest à Paris, via les Amériques, l'Asie et la "Nouvelle Hollande" (Australie), l'Afrique et l'Europe.
L'itinéraire du voyage est indiqué sur la carte centrale, mais les pions (marques) des joueurs progressent par un lancer de deux dés sur des cases numérotées autour de la carte et en bordure du plateau comme au Jeu de l'Oie. Ce jeu allie l'itinéraire du jeu de l'Oie aux cases gagnantes ou perdantes des Loteries : le plus ancien en date et sans doute aussi le plus intéressant pour le "gamer" (qui est à l'origine et étymologiquement un adepte des jeux d'argent).
RÈGLES
Le jeu se double d'un volet didactique consistant à localiser les villes et emplacements de départ et d'arrivée sur la carte, ou de laisser un jeton au pot en cas d'échec. C'est le rôle du Guide, désigné au sort à plus de 3 joueurs, d'indiquer ces lieux. Le guide peut aussi participer à la course, ou non.
Le joueur qui atteint la case d'arrivée à Paris gagne toute la mise (pot et cases) et en donne un tiers au guide (mais un quart seulement si le guide concourt).
De nombreuses cases (49 sur 78) ont des effets : avancer, reculer, passer son tour, doubler, rejouer, ou remiser sur des cases spécifiques.
Toute nouvelle mise est facultative si le joueur est capable de localiser sur la carte la ville atteinte, à condition qu'elle n'y soit pas spécifiquement mentionnée.
Chaque nouvelle mise introduite sur une case occupée revient au joueur qui l'occupe.
Quand une case est occupée par un autre joueur ou par des jetons de mise, le joueur actif se place sur la case suivante.
Repartir d'une ville portuaire marquée d'une ancre réclame la dépense d'un jeton au pot.
Le joueur actif s'approprie les mises présentes sur toutes les cases traversées (sauf s'il doit reculer).
Le lancer d'un double permet de doubler son jet de dés, ou de le quadrupler si c'est un 6 (avancée de 48 cases !).
Le joueur qui atteint la case 37 (symbolisée par le labyrinthe crétois) doit attendre qu'on le délivre. Le joueur délivré déplace sa marque sur la case 24 ? (nombre effacé).
SOURCES
Le jeu est édité par Jean Crépy ou Crespy (ca. 1660-1739), fils d'un maître rôtisseur parisien, graveur, éditeur et marchand d'estampes, fl. 1686-1730
refs: Karl Heinrich von Heinecken, Dictionnaire des artistes, dont nous avons des estampes, vol. 4, Leipzig, Jean G. I. Breitkopf, 1790, p.432 (sur Jean Crépy et son fils Louis) ; D'Allemagne, 1950, p.218 (1713 d'après le collectionneur d'estampes Carl De Vinck) ; Phillippa Plock & Adrian Seville, "The Rothschild Collection of printed board games at Waddesdon Manor", Board Game Studies Colloquium, 2010, p.110 ; Giochi dell'Oca 1180